Suivant les premières assemblées, le climat de tension entre les Canadiens-Français et la minorité Canadienne-Anglaise s'est exacerbé. Les ignobles : ils croyaient avoir conquis l'ex-Province of Quebec mais n'étaient qu'un pou parmi la marée de Canadiens-Français (Cauchy, 1997, paragr. 6). D'autres journalistes de la Minerve et moi en avions même discuté : ils étaient 20 000 en tout dans les deux Canada, dont 10 000 au Bas-Canada (Cauchy, 1997, paragr. 6). Or, nous étions 140 000 et étions à leurs yeux de colonisateurs censés s'agenouiller devant l'Empire. Ces ingrats loyalistes voulaient être perçu comme majoritaire afin que leurs intérêts priment sur les nôtres (Cauchy, 1997, paragr. 6). Petit comme ils étaient dans notre pays, les loyalistes ont sentit que leurs convictions étaient menacées : les patriotes se soulevaient contre l'Empire et ceci les alarmait. Quelques organisations, je les appellerais même des milices, se sont formées au sein des loyalistes. Quand j'allais à Montréal, c'est là que leur présence était la plus marquée : on les voyait patrouiller comme les chiens de garde de l'Empire. Précédant l'envoi des 92 résolutions, les loyalistes avaient formé le British Rifle Club (1836), puis j'avais vu apparaître le Doric Club (Filteau, 2003, p. 370). C'est eux que j'ai le plus connu, qui ont selon moi apporté les tensions à leur point culminant. Sans l'événement que je m'apprête à raconter, les batailles patriotes n'auraient probablement pas été évitées, mais auraient au moins été retardées de quelques semaines. Gosford et Colborne n'auraient peut-être pas cédés ou été encouragés à faire ce qu'ils ont fait...
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Or, malgré l'assemblée se déroulant en paix, c'est à ce moment que la foule commença à s'agiter. Comme d'habitude j'étais positionné au côté de la foule, ce qui me permettait de prendre mes notes en toute quiétude (Filteau, 2003, p. 370). Au moment des agitations, l'assemblée était terminée, il ne restait qu'environ 200 ou 300 patriotes. C'est là que ces chiens sales de loyalistes ont commencé à nous lancer des roches : trop irréfléchis pour se tempérer, ils se sont avérer être les vrais incitateurs de grabuge (Filteau, 2003, p. 370). Bien sûr, nous n'allions pas nous laisser grêler de telle façon. La foule restante riposta : nous lancions désormais tous des pierres à ces têtes carrées. La bataille se corsa : certains sortirent les pistolets qu'ils avaient sur eux (Filteau, 2003, p. 371). On entendait maintenant les coups de feu retentir çà et là. Les saxs du Doric Club étaient allés chercher du renfort, comme les tyrans qu'ils pensaient être : une bataille d'égale à égale les menaçait sûrement trop (Filteau, 2003, p. 372). Comme le fils de Louis-Joseph Papineau, Amédée Papineau, l'avait si bien dit : « C’est ainsi que les loyaux sont braves : lorsqu’ils sont dix contre un, ou qu’ils ont à leur queue, et le plus souvent à leur tête, les troupes de Sa Majesté » (Drouin, 2019, paragr. 3). Maintenant inférieur en nombre, nous nous dispersâmes dans la ville. Plusieurs de nos compatriotes avaient été blessés, dont Chevalier de Lorimier (Filteau, 2003, p. 372).
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Les retombées de cette émeute provoquée par les sales loyalistes furent digne de l'Empire anti-démocrate anglais. En effet, le colonel Colborne, commandant des forces armées Canadiennes, émis des mandats d'arrestation contre les chefs patriotes (Filteau, 2003, p. 376). Selon les bruits qui courent, Colborne aurait insisté maintes fois pour obtenir l'autorisation du gouverneur Gosford afin d'émettre ces mandats (Filteau, 2003, p. 382).
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Je lisais un mélange particulier d'inquiétude et de colère sur le visage de mon collègue pendant qu'il me rapportait ces dernières informations. Colborne avait envoyé un des deux détachements ici, à Sorel, qui devait ensuite se diriger vers Saint-Denis (Filteau, 2003, p. 393). Ce détachement était dirigé par le commandant Charles Stephen Gore, et son mandat était de diriger ses troupes afin d'arrêter les chefs patriotes qui étaient supposément réfugiés à ces deux endroits. Nous allions apprendre au cours de la bataille que ce détachement devait ensuite porter renfort au second détachement, qui lui se dirigeait sur Saint-Charles par la voie de Chambly (Filteau, 2003, p. 393).
Ces nouvelles n'auguraient rien de bon. Je me demandais ce que les chefs patriotes allaient faire. C'est là que mon collègue me dit que Papineau et le chef patriote O'Callaghan avaient rejoint Wolfred Nelson lors de la parution de leurs mandats d'arrestation, qui lui était déjà à Saint-Denis. Ils organisaient une résistance aux arrestations : érection de camps et réquisition d'armes étaient en cours (Ministère de la Culture et des Communications, 2013, p.1). Je pris ma flasque, mes papiers et crayons ainsi que mon pistolet, et nous partîmes en direction de Saint-Denis, d'où j'allais pouvoir relater directement les événements et où l'organe paramilitaire se préparait (Lemire, 2000, paragr. 6). |
Joseph Dudevoir
Antoine Lusignan Pierre Minet Eusèbe Phaneuf Charles Saint-Germain Benjamin Durocher François Lamoureux |
André Mandeville
François Dufault Jean-Baptiste Patenaude Lévi Bourgeois Andrée Bouthillet Charles-Ovide Perreault Patriote inconnu |
C'est la troupe de volontaires loyalistes qui fut aperçu en premier au village (Filteau, 2003, p. 450). Mon collègue entendit les habitants du village s'affoler après le déclenchement du tocsin (Filteau, 2003, p. 450). Jean-Olivier Chénier, chef patriote ayant participé activement aux assemblées et soulèvement patriotes ainsi qu'Amury Girod, suisse d'origine que tous considéraient comme l'un des plus grands agitateurs du mouvement patriote, étaient présents à l'arrivée de la troupe dirigée par Maximilien Globensky (Filteau, 2003, p. 451).
Étant la seule troupe aperçue, Girod avait envoyé Chénier et 150 patriotes à leur trousse, avant de se faire surprendre par l'arrivée de ce qui ne s'avérait que l'avant-garde de Colborne (Filteau, 2003, p. 451). Mon collègue et ses compatriotes avaient été pris au dépourvu. Il me racontait avec une voix tremblante que plusieurs de ses comparses s'étaient enfuis à la vue de l'avant-garde, mais pas lui. Il désirait combattre aux côtés de Chénier après que ce dernier se soit exclamé : « [...] faites ce que vous voudrez, quant à moi, je me bats et si je suis tué, j'en tuerai plusieurs avant de mourir » (Filteau, 2003, p. 451). Mon collègue m'a dit qu'il s'était laissé éblouir par ses paroles empreintes de passion pour la cause. Il m'avoua par la suite, les yeux larmoyant, qu'il aurait préféré prendre la fuite que d'assister aux événements que je vous raconterai. |
Cachés dans les feuillus entourant le village, mon collègue assista à la fin de la bataille. Il vit Colborne et ses troupes concentrer leur énergie sur l'église. Quelques instants plus tard, il vit de la fumée s'échapper de celle-ci. C'est à cet instant que les hommes de Colborne avaient réussi à pénétrer par la porte de la sacristie et que le lieutenant Ormsby avait récolté du combustible et mis feu à l'autel (Filteau, 2003, p. 454). Le coeur de mon collègue débattait dans sa poitrine : qu'est-ce que Chénier allait faire? Les coups de feu patriotes s'arrêtèrent, pour recommencer quelques instants plus tard à l'arrière de l'église (Filteau, 2003, p. 455). Puis, les patriotes se jetèrent des fenêtres donnant sur le cimetière (Filteau, 2003, p. 455). Ceux qui n'avaient pas été atteints par balle durant leur chute tentèrent de se sauver (Filteau, 2003, p. 45). C'est là qu'il vit Chénier se faire percuter et s'écrouler sur le terrain (Filteau, 2003, p. 456). Il vit les patriotes restant tenter de se rendre, préférant la prison au même destin que Chénier. Mais les sales saxs étaient imprégnés de rage : c'était un véritable peloton d'exécution, me dit mon collègue, entre deux sanglots (Filteau, 2003, p. 456).
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